Voiles

Les épreuves de la vie ont cette tendance à nous faire avancer, à prendre d'autres points de vue. Il y a bientôt deux mois, j'ai trouvé mon père mort, terrassé par une crise cardiaque dans sa maison. Choc émotionnel profond, bouleversement des valeurs aussi. Je vois la vie autrement, avec cette douloureuse impression d'être pris par le temps. Il y a 4 ans le décès de ma mère m'avait déjà amené à un retour à l'essentiel, à la simplicité. Mon point d'observation avait changé sur l'instant. Je constate le même effet actuellement. J'ai le sentiment qu'un voile s'est enlevé, déchiré, pour laisser une vision plus nette, plus claire. Du coup, ça me fait penser aux voiles illusoires si chers aux traditions orientales. C'est vraiment ce sentiment que j'ai actuellement. Des "voiles de conscience" obstruent la vision. En enlevant progressivement ces voiles, la vision devient alors plus nette. Le changement reste subtil, mais il est là.

Bonsoir Manduki, reçois toutes mes condoléances en ces douloureuses circonstances , j'imagine que cette période sur le plan émotionnelle doit être difficile à vivre de tels bouleversements doivent modifier en effet la vision de la réalité, mais quels étaient ces voiles ? La peur de perdre ? Le rapport à l'attachement ? Autres ?
La confrontation à la vérité souvent voilée par la culture l'éducation les projection etc...nous arrache toute illusion, la vérité c'est cette réalité de la naissance, de la mort et de l'impermanence devant laquelle nous n'avons aucun pouvoir, cette réalité s'offre à toi de manière immédiate alors que beaucoup de personnes mettent beaucoup de temps à lever les voiles suite à un deuil, je me trompe peut être mais il me semble que ta recherche intérieure influe sur ton appréhension des évènements extérieurs une réceptivité immédiate révèle je trouve une ouverture à l'"ainsité"...Je t'exprime ce que je ressens par rapport à ton témoignage mais en ayant aucune certitude sur ce que j'avance...

Avec toi...

Merci Mathilde.

Les voiles n'étaient pas liés à l'attachement ou à la peur de perdre. Disons que la vie nous amène à nous perdre, à regarder les choses à travers nos petits tracas, nos petites querelles sans grande importance. La futilité disparait alors. Ca ne veut pas dire que tout devient lourd et sérieux, mais face à la réalité de l'impermanence, on apprend à apprécier les petits moments, les instants simples de la vie. Je sais que tout a une fin et cela amène à vivre avec plus d'intensité les choses. Toutefois, je crois qu'il faut rester vigilant à ne pas tomber dans une sorte de quête du plaisir immédiat, mais plutôt rester à l'écoute, savoir vivre les moments lorsqu'ils sont présents.
Mais je suis un peu déboussolé, car, au décès de ma mère, j'avais une réelle connexion avec elle. J'ai vécu à plusieurs km son départ et même eu des contacts après. C'était une période difficile, douloureuse, mais aussi très mystique. Par contre, avec mon père, je vis les choses autrement et suis troublé par le silence qu'il y a autour.
En tout cas, le deuil ne fait que commencer, car je sais déjà que les souvenirs vont régulièrement faire leur apparition, rappeler des périodes de l'enfance, etc. C'est un cap à passer afin de grandir encore un peu plus...

Cher Manduki, je me joins à Mathilde pour t'adresser mes plus chaleureuses pensées dans cette épreuve et suis de tout coeur avec toi.

Pour ma part, j'ai la chance d'avoir encore mes 2 parents et je redoute depuis toujours le jour où cela m'arrivera (si cela doit m'arriver)
Le sentiment de la peur de la perte a toujours été présent en moi. Et ce que tu dis à propos d'une vision plus nette provient peut-être du fait que ce sentiment n'est alors plus présent.

Manduki a écrit:J'ai vécu à plusieurs km son départ et même eu des contacts après.

Que veux-tu dire exactement?

Merci Pascal pour tes bons mots.

Ce que je veux dire, c'est que j'ai vécu la mort de ma mère alors que j'étais à plusieurs km de là. Je l'ai "vu" sortir de son corps pour aller dans une lumière.
Une amie infirmière qui travaille dans les soins palliatifs, m'a parlé de la "magie" ou "grâce" de fin de vie. C'est un peu ce qu'il s'est passé avec ma mère. Sans qu'ils se soient concertés, tous ses enfants sont venus la voir le week-end avant son décès. Nous la savions malade, mais pas à ce point. C'était très étrange, de se retrouver ainsi à aller la voir. Il faut dire qu'elle avait une grande force.
Après son décès, j'ai eu le sentiment d'être en contact avec elle. Le lendemain, je l'ai entendue dans un rêve me dire qu'elle était vivante. Je la sentais à mes côtés. Je ressentais ce qu'elle ressentait à ce moment-là, dans l'après-vie. J'étais porté par la douleur, mais aussi par une sorte de force mystique.
Son enterrement a été très étrange aussi, car j'ai eu la sensation de ressentir comme une communauté immatérielle qui était présente.

D'ailleurs 6 mois avant le décès de ma mère, ma grand-mère m'était apparue en rêve, pour me prévenir ce qu'il allait arriver, mais je n'ai pas voulu entendre. Il y a plusieurs événements ainsi qui marquent ainsi tout cet épisode. Peut-être n'est-ce que de l'imagination de ma part, possible... Mais là où je suis très perplexe, c'est que je ne vis rien de semblable avec mon père...

Voilà.

Bonjour Manduki,
Toutes mes condoléances.
J'ai perdu aussi mes deux parents, père et mère.
Ce que dit Pascal est juste : Ce sentiment : la peur de perdre les etres aimés n'est plus la, et ce qui se produit, ce changement, provient peut etre de ce fait.
Pourtant, l'attachement est toujours présent: il reste les autres membres de la famille, les enfants, si on en a, et bien sur, les amis ( les vrais ).

Je crois moi aussi à une continuité après la mort à travers l'ame.
Mais il y a aussi la continuité dans la vie meme. La mort ne peut interrompre ce processus. Tous ceux que l'on a aimés restent vivants en nous. Je crois au " passage de témoin ": on reçoit des autres et on lègue aux autres au moment de notre mort.
La mort physique est une fatalité: il ne peut en etre autrement.
Mais l'esprit transcende la mort: il trouve presque toujours le chemin pour cela, meme si nos chemins ne se ressemblent pas.

Merci Toniov.

Je ne pense pas que la vision plus nette provienne de la disparition de la peur de la perte. De toute façon, cette peur est toujours présente, vis à vis de mes enfants, de mon épouse et de mes frères. Je suis le plus jeune en plus. En fait, je pense plutôt à la fin d'un bavardage intérieur. C'est comme un retour à l'essentiel, à une forme de simplicité, et de ce fait une vision plus nette.
La confrontation à la mort amène à mieux saisir l'impermanence et du coup de resituer ses priorités. C'est lacher prise sur des choses plus futiles, secondaires et porter son attention aux choses plus précieuses qui jalonnent la vie. Depuis tout petit, je vis avec ce sentiment d'impermanence, d'urgence aussi. Je sais que tout a une fin. Je trouve d'ailleurs cette pensée par moment intenable, terrible. De me dire que ce que je fais là maintenant, n'existera plus. Même en léguant quelque chose, des écrits, etc., ce ne sera qu'une ombre de moi-même. Et pourtant, il y a comme une importance à laisser quelque chose de soi dans ce monde, vis à vis de nos proches.
Je crois aussi que la mort pose des questions sur le sens de la vie, sur le sens de tout ça. C'est peut-être pour ça que je ressens un changement, car il y a des questions fondamentales qui demandent de laisser de côté des choses inutiles. Du poids est laissé derrière soi, un allégement se fait et du coup, la vision change. Est-elle plus juste qu'avant ? Peut-être pas, mais il y a assurément changement de point de vue.

Manduki;
Pour ma part, je ne ressens pas ce sentiment d'urgence. J'en arrive au point ou je me dis: ce qui doit se faire se fera au moment voulu. Et ce qui ne doit pas se faire ne se fera pas. Notre vie individuelle est courte et tout ne peut pas se réaliser en une vie si courte.
Par contre il faut vivre pleinement ce qu'on a à vivre.
Je suis d'accord sur le fait que les épreuves, quand elles ne nous écrasent pas, nous fortifient, nous recadrent, nous donnent du recul, nous poussent à l'essentiel.
Pour moi, l'essentiel c'est ce que notre ame connait, mais qui est souvent voilé par les méandres de notre pensée, de notre intellect.