Incommunicabilité de l'écrit
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Incommunicabilité de l'écrit
En guide du premier anniversaire de ce forum, voici un texte qui lui sied bien je trouve...
Il est extrait de la dernière Lettre de Kafka à Milena Jesenska :
"... Cela fait déjà bien longtemps Madame Milena, que je ne vous ai plus écrit, et, aujourd’hui encore, je ne le fais que par suite d’un hasard. Je n’aurais pas au fond à excuser mon silence,
vous savez comme je hais les lettres. Tout le malheur de ma vie - je ne le dis pas pour me plaindre mais pour en tirer une leçon d’intérêt général - vient, si l’on veut, des lettres ou de la possibilité d’en écrire. Je n’ai pour ainsi dire jamais été trompé par les gens, par des lettres toujours ; je veux dire, non pas par celles des autres mais par les miennes. Cela représente pour moi un malheur personnel sur lequel je ne veux pas m’étendre, mais c’est aussi un malheur général. La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde - du point de vue purement théorique - un terrible désordre des âmes : c’est un commerce avec des fantômes, non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre ; le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres où l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine. Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. C’est grâce à cette copieuse nourriture qu’ils se multiplient si fabuleusement. L’humanité le sent et lutte contre le péril ; elle a cherché à éliminer le plus qu’elle pouvait le fantomatique entre les hommes, elle a cherché à obtenir entre eux des relations naturelles, à restaurer la paix des âmes en inventant le chemin de fer, l’auto, l’aéroplane ; mais cela ne sert plus de rien (ces inventions ont été faites une fois la chute déclenchée) ; l’adversaire est tellement plus calme, tellement plus fort ; après la poste, il a inventé le télégraphe, le téléphone, la télégraphie sans fil. Les esprits ne mourront pas de faim, mais nous, nous périrons... "
Il est extrait de la dernière Lettre de Kafka à Milena Jesenska :
"... Cela fait déjà bien longtemps Madame Milena, que je ne vous ai plus écrit, et, aujourd’hui encore, je ne le fais que par suite d’un hasard. Je n’aurais pas au fond à excuser mon silence,
vous savez comme je hais les lettres. Tout le malheur de ma vie - je ne le dis pas pour me plaindre mais pour en tirer une leçon d’intérêt général - vient, si l’on veut, des lettres ou de la possibilité d’en écrire. Je n’ai pour ainsi dire jamais été trompé par les gens, par des lettres toujours ; je veux dire, non pas par celles des autres mais par les miennes. Cela représente pour moi un malheur personnel sur lequel je ne veux pas m’étendre, mais c’est aussi un malheur général. La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde - du point de vue purement théorique - un terrible désordre des âmes : c’est un commerce avec des fantômes, non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre ; le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres où l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine. Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. C’est grâce à cette copieuse nourriture qu’ils se multiplient si fabuleusement. L’humanité le sent et lutte contre le péril ; elle a cherché à éliminer le plus qu’elle pouvait le fantomatique entre les hommes, elle a cherché à obtenir entre eux des relations naturelles, à restaurer la paix des âmes en inventant le chemin de fer, l’auto, l’aéroplane ; mais cela ne sert plus de rien (ces inventions ont été faites une fois la chute déclenchée) ; l’adversaire est tellement plus calme, tellement plus fort ; après la poste, il a inventé le télégraphe, le téléphone, la télégraphie sans fil. Les esprits ne mourront pas de faim, mais nous, nous périrons... "
Dernière édition par Pascal le Lun 2 Mar - 0:44, édité 1 fois
Re: Incommunicabilité de l'écrit
Je pense que l'écrit n'est que l'une des formes de la communication. Donc la communication est incomplète si on en reste la.
toniov- Messages : 73
Date d'inscription : 27/02/2008
Age : 70
Localisation : toulouse
Re: Incommunicabilité de l'écrit
"Ecrire des lettres c'est se mettre nu devant des fantômes"...C'est un point de vu ...Oui par le décalage, l'illusion, l'absence...
Après tout dépend du contenu épistolaire...
Mettre en mot, c'est aussi exprimer, c'est extraire, c'est libérer, c'est échanger et donner...Pourquoi pas???...
.Pas d'attache exogène...
Etre directement ou indirectement relié inconditionnellement n'est ce pas la clef???...
Quelle intention quelle projection avoir sur les autres ?
Que ce soit par lettre ou ailleurs, la difficulté est la même, une relation de visu est normalement plus simple, pourtant par exemple des attitudes non verbales visibles peuvent-être déstabilisantes et anxiogènes aussi...
La nature du lien est importante, si elle est profondément généreuse et acceptante quelque soit la forme de la relation, il restera solide ...Peut on mettre les liens par catégorie??? Le lien avec une personne change t'il si elle décède???Cette lettre de Kafka suscite de nombreuses interrogations je trouve...Merci Pascal pour ce texte...
Après tout dépend du contenu épistolaire...
Mettre en mot, c'est aussi exprimer, c'est extraire, c'est libérer, c'est échanger et donner...Pourquoi pas???...
.Pas d'attache exogène...
Etre directement ou indirectement relié inconditionnellement n'est ce pas la clef???...
Quelle intention quelle projection avoir sur les autres ?
Que ce soit par lettre ou ailleurs, la difficulté est la même, une relation de visu est normalement plus simple, pourtant par exemple des attitudes non verbales visibles peuvent-être déstabilisantes et anxiogènes aussi...
La nature du lien est importante, si elle est profondément généreuse et acceptante quelque soit la forme de la relation, il restera solide ...Peut on mettre les liens par catégorie??? Le lien avec une personne change t'il si elle décède???Cette lettre de Kafka suscite de nombreuses interrogations je trouve...Merci Pascal pour ce texte...
Re: Incommunicabilité de l'écrit
L'écrit ne communique pas tout, en effet. Pourtant, je trouve cette forme de communication bien commode, car elle peut être un support à la transcription de la "Raison". L'écrit permet de transcrire relativement bien les raisonnements, de poser des idées, sans être pris dans la communication orale. De plus, par l'écrit, on peut aller au bout de ce qu'on peut avoir à dire, ce qui n'est pas toujours le cas dans une discussion orale. En écrivant, on peut prendre le temps de réfléchir, d'aller au bout de sa pensée.
Personnellement, je trouve que je communique bien mieux par l'écrit qu'oralement. Je parviens alors au bout de ma pensée...
Personnellement, je trouve que je communique bien mieux par l'écrit qu'oralement. Je parviens alors au bout de ma pensée...
Re: Incommunicabilité de l'écrit
hello touTEs ! hello pascal et manduki ! (que je n'ai pas, encore, eu l'occasion de saluer )
tout à fait d'accord avec ce que vous dites, et plus, encore, avec ce que mathilde dit, là ! :
"La nature du lien est importante, si elle est profondément généreuse et acceptante quelque soit la forme de la relation, il restera solide ..."
et en plus, quand la nature du lien est important, s'approfondit, un pli tombe, cela devient spontané, et l'on peut "tout se dire", sans qu'aucun écran, d'aucune sorte, ne vienne faire barrage à l'échange !
namaste
tout à fait d'accord avec ce que vous dites, et plus, encore, avec ce que mathilde dit, là ! :
"La nature du lien est importante, si elle est profondément généreuse et acceptante quelque soit la forme de la relation, il restera solide ..."
et en plus, quand la nature du lien est important, s'approfondit, un pli tombe, cela devient spontané, et l'on peut "tout se dire", sans qu'aucun écran, d'aucune sorte, ne vienne faire barrage à l'échange !
namaste
daniel- Messages : 25
Date d'inscription : 25/03/2008
Age : 59
Localisation : belgique
Re: Incommunicabilité de l'écrit
Manduki a écrit:Personnellement, je trouve que je communique bien mieux par l'écrit qu'oralement. Je parviens alors au bout de ma pensée...
Pour moi aussi, c'est la meme chose.
toniov- Messages : 73
Date d'inscription : 27/02/2008
Age : 70
Localisation : toulouse
Re: Incommunicabilité de l'écrit
daniel a écrit:hello touTEs ! hello pascal et manduki ! (que je n'ai pas, encore, eu l'occasion de saluer )
Hello Daniel !
Toniov a écrit:Pour moi aussi, c'est la meme chose.
Ca me rassure de voir que je ne suis pas le seul.
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